Chrétiens d’Orient

Par François PAILLARD

Les « Chrétiens d’Orient » sont les Chrétiens originaires du Proche-Orient et du Moyen-Orient, même si l’on inclut aussi parfois les Chrétiens du sous-continent indien et de l’est africain. On retrouve également dans cette zone des communautés chrétiennes non orientales expatriées, de la même manière que l’on retrouve de grandes communautés chrétiennes d’orient à l’étranger.

Ainsi, sur ce vaste espace géographique vivent de nombreuses communautés chrétiennes, différentes culturellement, religieusement et politiquement. Les Chrétiens d’Orient sont donc loin de former un groupe homogène. Les divisions théologiques, souvent nourries par des facteurs culturels et politiques, remontent en effet aux premiers siècles du christianisme.

On peut citer par exemple le Concile d’Ephèse de 431, qui condamne le patriarche Nestor, séparant la communauté assyrienne du reste de l’Eglise et donnant naissance à l’Eglise nestorienne.

Le Concile de Chalcédoine de 451 sur la nature du Christ provoque l’apparition des « églises orthodoxes orientales » (notons qu’orthodoxe n’est ici pas pour signe d’un lien avec l’Eglise orthodoxe mais est à prendre au sens littéral) incluant l’église éthiopienne orthodoxe, l’église copte, l’église syriaque, l’église de Malabar en Inde et l’église apostolique arménienne, lesquels réfutent les décisions de ce concile.

On peut aussi citer entre autres la communauté grecque melkite, branche du christianisme émergée en réaction de l’opposition par les églises copte et syriaque au Concile de Chalcédoine. Cette communauté est elle-même divisée, d’une part orthodoxe (le terme signifiant cette fois-ci un lien avec l’église orthodoxe) fidèle à Byzance et au patriarcat d’Antioche, d’autre part catholique, fidèle au Pape depuis la communion avec l’Eglise catholique en 1724.

Enfin, la plus importante communauté chrétienne du Liban, via l’Eglise maronite, reconnaît le Concile de Chalcédoine et en union avec l’Eglise catholique depuis 1182.

On compte en dehors des Eglises orientales des communautés plus récentes comme les catholiques philippins dans les monarchies du Golfe, ou quelques communautés protestantes à l’influence négligeable.

Dès le VIIème siècle, les conquêtes arabes affaiblissent l’Empire byzantin et donc le christianisme, au profit de la nouvelle religion islamique. Les Chrétiens doivent alors se soumettre au statut de dhimmi, statut inégal imposé aux « Gens du Livre », mais qui les place sous la protection des autorités musulmanes. Cela n’empêche toutefois pas des persécutions, à certains moments. Ce statut, qui impose à impôt aux non musulmans un impôt (la Djizîa) et qui interdit tout prosélytisme chrétien, résulte en un affaiblissement progressif du christianisme en terre d’Islam, sur le temps long.

Au début du XXème siècle un habitant sur quatre au Moyen-Orient était chrétien. Aujourd’hui, il s’agit d’un habitant sur trente. Le début du XXème siècle a en effet été brutal avec l’effondrement de l’Empire ottoman et les politiques menées par son gouvernement nationaliste Jeune-Turc. La politique de turquification en Anatolie résulte en effet directement en les génocides arménien (2/3 des Arméniens tués), assyro-chaldéen (70% des Assyro-chaldéens tués), et grec pontique (tous expulsés, assimilés ou tués). D’autres événements, comme la Grande famine du Mont-Liban, qui tua les deux tiers des habitants du Mont Liban, majoritairement maronites. Ces événements tragiques marquent une véritable rupture caractérisée par un effondrement de la démographie chrétienne au Moyen-Orient.

Depuis, l’exode des Chrétiens d’Orient se poursuit au gré des crises politiques. Au Liban, la guerre civile (1975–1990) a provoqué l’émigration de centaines de milliers de libanais, toutes confessions confondues mais avec une prédominance chrétienne. En Irak, la population chrétienne a diminué de 90% en une génération, passant d’un million et demi d’âmes à moins de 150 000. Outre l’instabilité chronique depuis 2003, ces dernières années ont été particulièrement catastrophiques pour les Chrétiens irakiens à cause de Daech. En Terre Sainte, Chrétiens et Musulmans palestiniens ont pour beaucoup subi l’exil et les conflits depuis 1948. En Egypte des attentats réguliers frappent la minorité copte, à l’image de l’attentat de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul du Caire en 2016, revendiqué par Daech. Le déclin démographique des Chrétiens d’Orient est donc aujourd’hui accéléré par l’apparition de groupes fondamentalistes islamistes, mais aussi par les conflits persistants qui minent la région.

Si les Chrétiens d’Orient subissent des persécutions et l’exode depuis le début du siècle dernier, les Chrétiens ont aussi été acteurs de l’histoire contemporaine de la région. Si certains ont souhaité affirmer une identité propre, à l’image des assyriens ou d’une partie des Maronites libanais porteurs du projet du Grand Liban, d’autres ont pleinement pris part à l’arabisme. La Nahda, mouvement culturel d’ouverture et de modernisation à la fin du XIXème siècle, a en effet largement été impulsée par des Chrétiens, à l’image de Boutros al-Boustani. Le Baas, parti panarabe majeur et duquel sont issus les dictateurs Saddam Hussein et Hafez Al-Assad, a notamment été cofondé par un Chrétien syrien, Michel Aflak, et son compatriote sunnite Salah al-Din al-Bitar. Au temps des luttes pour l’indépendance, de nombreux Chrétiens y participent politiquement, par exemple en Egypte avec le parti Wafd. On peut encore citer George Habache, fondateur du Front populaire de libération de la Palestine, mais aussi Edward Saïd, universitaire reconnu et auteur de L’Orientalisme.

Aujourd’hui, les Chrétiens demeurent politiquement importants au Liban, pays où ils représentent 40% de la population, en vertu du système confessionnel. En Egypte, les Coptes réaffirment leur identité depuis l’arrivée au pouvoir du général al-Sissi. Quant à l’Irak, la visite récente du Pape François est une véritable lumière pour de nombreux Irakiens chrétiens exilés aspirant à revenir chez eux. La liberté religieuse, au cœur des préoccupations des Chrétiens d’Orient, reste toutefois menacée au Moyen-Orient, si l’on excepte le Liban, la Jordanie et Israël. Depuis le début du XXème siècle, de nombreuses diasporas de Chrétiens d’Orient se sont constituées entre l’Europe et les Amériques. On retrouve ainsi par exemple les diasporas arménienne, mais aussi libanaise qui compte de nombreux Chrétiens d’Orient, et plus récemment d’Irakiens chrétiens.

Il est donc plus que jamais primordial de réaffirmer la nécessité du pluralisme, mais aussi du dialogue, qui pourront permettre d’établir les bases d’une paix et d’un développement solide dans cette région du monde.

--

--

Pôle MaghrebMoyenOrient - SciencesPo Saint-Germain

Pôle Maghreb - Moyen-Orient de l'Institut d'Etudes Politiques de Saint-Germain-En-Laye